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QVCT (Qualité de Vie et des Conditions de Travail)

L’intérêt pour la Qualité de Vie au Travail (QVT) en France, qu’on perçoit dans l’émergence d’observatoires et d’enquêtes sur le sujet, dans les négociations en cours dans les entreprises, dans l’offre de conseil et dans certains dispositifs législatifs, prend sa source dans un ensemble de facteurs  qui présentent autant de risques que d’opportunités. Ces risques ont trait à un « rabattement » de la QVT à une vague notion de bien-être au travail, de « confort », qui serait atteint par l’intermédiaire de dispositifs favorisant l’adéquation entre les attentes individuelles et les programmes RH de «  promotion de la santé  ». Les opportunités renvoient au développement du potentiel d’efficacité au travail, d’innovation organisationnelle et au renforcement de la prévention primaire dans l’entreprise.

Préambule 

La qualité de vie au travail désigne et regroupe sous un même intitulé les actions qui permettent de concilier à la fois l’amélioration des conditions de travail pour les salariés et la performance globale des entreprises, d’autant plus quand leurs organisations se transforment. De ce fait, la question du travail fait partie intégrante des objectifs stratégiques de l’entreprise et doit être prise en compte dans son fonctionnement quotidien afin, notamment, d’anticiper les conséquences des mutations économiques.

La QVT est une façon de réinvestir la question du travail et de ses transformations dans un contexte où les enjeux de l’emploi pourraient la faire oublier.

De quoi s’agit-il ?

L’engagement dans le travail et l’entreprise est à la source des gains de performance et de l’innovation. Cet engagement dépend de plusieurs conditions : contenu du travail, opportunités de développement professionnel, qualité du management… de la satisfaction des clients ou usagers… ainsi que d’un bon fonctionnement de l’entreprise. 

Concevoir de telles conditions de manière pérenne suppose de les inscrire à l’agenda stratégique et dans les projets techniques, sociaux et organisationnels de l’entreprise.

LES CONDITIONS 

  • Environnement de travail (physique, technique, organisationnel…).
  • Conditions d’emploi (formation, carrière, égalité, parcours professionnel…). 
  • Conditions de vie extra professionnelles en relation avec le travail (temps de transport, problèmes de santé…). 

LA CAPACITÉ À S’EXPRIMER ET À AGIR 

  • Participatif (groupe de résolution de problèmes, débats sur le travail…) . 
  • Partenariat social (concertation, dialogue social…). 
  • Soutien managérial (clarté des objectifs, reconnaissance…). 
  • Soutien des collectifs (solidarité métier, travail en équipe, échanges sur les pratiques…). 

LE CONTENU DU TRAVAIL 

  • Autonomie au travail : pouvoir d’agir sur des éléments de la tâche (rythme, procédure, choix des moyens, accès aux ressources, outils…) et de les combiner de manière variée et adaptée à la situation de sorte à procurer un sentiment de maîtrise. 
  • Valeur du travail : le sens du travail ou sa valeur est d’abord perçu par autrui (client, bénéficiaire, hiérarchie, pair…) et renvoie au sentiment d’utilité. 
  • Travail apprenant : il renvoie à la possibilité de mobiliser dans son exercice professionnel un ensemble de compétences (relationnelles, émotionnelles, physiques, cognitives…). Un travail apprenant rend le travail intéressant. • Travail complet : réaliser une tâche complète non seulement au plan organisationnel (maîtrise d’un processus ou d’une séquence de processus), mais aussi pouvoir évaluer les effets de mon activité en regard des résultats que j’en attends, et pouvoir réduire l’écart entre les deux. Et donc de « piloter » ma performance (sentiment de responsabilité). 

Quelle démarche mettre en œuvre ?

La démarche QVT suppose de distinguer les objectifs et de proposer des modalités d’action et des outils mobilisables pour chacune des étapes de l’action. Cette démarche est adaptable à chaque situation : les objectifs, les méthodes et la nature des livrables sont à concevoir en fonction du contexte de l’entreprise. L’ANI met l’accent sur le fait qu’une démarche QVT réussie s’appuie sur une approche systémique, c’est-à-dire globale, des situations. 

Ce qui suppose non pas de tout englober mais plutôt de mettre en relation les éléments pertinents. La vision systémique ne couvre pas tout : elle oriente le regard vers les enjeux forts et les relations entre les facteurs-clés. Par exemple, lors de la mise en place d’un projet Lean, il convient de mettre en relation la méthode Lean avec les gains de performance attendus, la charge de travail, la construction des compétences et le travail des collectifs. Mettre en place une démarche ISO a généralement des effets sur l’autonomie au travail (la procédure peut la réduire ou au contraire la soutenir), le travail collectif (pour les échanges d’informations entre services) et sur les compétences (pour faire les diagnostics qualité) ; ce sont donc ces éléments qui seront mis en relation. 

L’ambition de la démarche QVT vise par conséquent la recherche de solutions pragmatiques pertinentes. Éviter le « tout est dans tout » et éviter de fixer a priori des normes de bon fonctionnement, tant dans la définition des problèmes que dans la recherche de solutions : c’est à travers la pratique et l’expérimentation que l’on trouvera des réponses adaptées.

Pour répondre à quels enjeux ?

Si on jette un œil sur les démarches QVT des entreprises sur les deux dernières années, on peut distinguer la volonté de traiter trois types d’enjeux : 

  • Les enjeux du travail renvoient à des questions comme l’autonomie, la nature de l’activité, l’intérêt et le sens accordé au travail, la capacité à s’exprimer et le droit à l’erreur, le sentiment d’être utile et efficace. Les effets recherchés s’inscrivent dans le registre du management, du dialogue professionnel, du développement de l’initiative et de la capacité d’agir, de l’innovation sociale et organisationnelle. Ces questions ont directement à voir avec la santé au travail et la qualité de l’engagement. 
  • Les enjeux sociétaux renvoient aux caractéristiques des populations au travail (âge, handicap, genre, situation familiale, éloignement du lieu de travail, pratiques religieuses, etc.) et à des incitations à négocier certains sujets (seniors, handicap, maintien dans l’emploi, égalité professionnelle, diversité). Agir sur ces questions – via la conciliation des temps, le télétravail, la création de crèches, l’accès facilité à des transports collectifs, le soutien au retour à l’emploi, une charte de la diversité, etc. – renforce le sentiment d’équité et la loyauté à l’entreprise, facilite le recrutement, donne un sentiment de cohésion et favorise le maintien dans l’emploi
  • Les enjeux du marché renvoient aux exigences des clients et des donneurs d’ordres, à la concurrence et aux évolutions des technologies. Elles poussent à innover au plan des produits ou des prestations, des processus de production et des organisations. Ces innovations incitent à agir au plan de la mobilité professionnelle et de la formation des salariés, de l’adaptation des postes de travail, etc. Ce qui permet de réduire le stress face au changement, de permettre le développement professionnel, de procurer un sentiment de sécurité quant à l’avenir professionnel.

Comment lancer la démarche ?

La première étape est celle au cours de laquelle les acteurs s’emploient à objectiver les principaux enjeux pour l’entreprise, à structurer la démarche, à définir le processus d’action, à identifier les livrables attendus et à construire le système d’acteurs qui permettra de porter la démarche. 

Cette première étape peut aboutir à l’accord de méthode - a minima à un plan d’action validé par les acteurs sociaux - qui formalisera et sécurisera les étapes suivantes du processus. L’identification des enjeux ne consiste pas à faire la liste des dysfonctionnements, ni à établir un cahier de revendications, ni même à fixer précisément les points à améliorer. Il importe plutôt à ce stade de se projeter dans l’avenir – sans occulter les problèmes actuels – pour identifier les axes sur lesquels a priori on souhaiterait progresser. 

Comment la stratégie de l’entreprise va-t-elle évoluer? Quels sont les projets techniques et organisationnels (développement du numérique, nouveau produit, fusion d’unités, déménagement d’un site) qui se dessinent pour demain ? En ayant en tête que « les conditions de travail d’aujourd’hui sont les résultats des projets d’hier, et que les projets d’aujourd’hui détermineront les conditions de travail de demain ». De même qu’il importe d’identifier ce qui fait sens et efficacité dans le travail (autonomie, initiative, travail en équipe, relation client, innovation, maîtrise des processus…) et ce que sont les enjeux sociétaux pour l’entreprise et fixer un ou des axes de progrès. 

Il importe de concevoir, dès la phase de cadrage, le système d’action qui portera les différentes étapes de la démarche. Les phases de concertation sur les enjeux et finalités de la démarche QVT et sur la conception du système d’action permettront de négocier un accord de méthode. Cet accord précisera, avec une certaine ouverture ou souplesse, les modalités du diagnostic et des expérimentations ainsi que les caractéristiques du plan d’action.

Avec qui agir ?

La QVT implique de concevoir un nouveau système d’action qui permettra de débattre de ce qui structure l’efficacité et l’efficience, de ce qui favorise ou menace la «  santé  », etc. dans le travail. Ce qui suppose de mobiliser différents critères liés à l'économie, aux compétences, à la technique, au management, aux projets… Et donc, de faire porter la démarche QVT par l’ensemble des acteurs concernés et non seulement par ceux qui traitent habituellement du « social » dans l’entreprise. 

Non pas pour affaiblir les « instances », mais pour renforcer l’effectivité des règles qu’elles conçoivent et en leur donnant un rôle plus actif que celui dans lequel elles sont souvent cantonnées. Sans un tel système, la démarche risque d’être vouée à l’échec. Il y a donc là aussi un saut important à effectuer : renouveler le système des acteurs qui habituellement s'occupent du « social » pour impliquer les acteurs managériaux, techniques et stratégiques. 

On peut donc mettre en place un comité QVT dont la composition doit porter une triple légitimité : 1) sociale (pour s’adresser aux IRP)  ; 2) technique (pour s’adresser aux concepteurs)  ; 3) politique (pour s’adresser à la direction). Il peut être composé de représentants de la direction, d’élus et de responsables métiers (production, marketing, bureau des méthodes, DSI…). 

Il ne s’agit donc pas simplement de nommer un référent QVT, mais bien de concevoir une nouvelle configuration d’acteurs. Un tel système permettra de renforcer la qualité de la décision et d’assurer l’engagement dans l’action. Ce système d’action peut être conçu sur la base du schéma suivant. 

Concrètement, il importe de prévoir que les expérimentations (ex : mise en place du lean, du télétravail, etc.) soient réalisées au plus près du terrain et que ses résultats soient évalués par des groupes de salariés (GT) et communiqués non seulement aux IRP et la DRH, mais aussi aux « chefs de projets » ou à la technostructure (bureau des méthodes, direction des systèmes informatiques, direction des achats, finance…), c’est-à-dire à ceux qui conçoivent les dispositifs gestionnaires et techniques. Dispositifs expérimentés et évalués par ceux qui les utilisent et les investissent au quotidien.

Comment réaliser le diagnostic ?

Le diagnostic peut emprunter des chemins différents d’une entreprise à l’autre et le périmètre du diagnostic doit être un objet de débat au sein du système d’acteurs. Dans certains cas, une expertise CHSCT peut faire office de diagnostic, ou de matériaux mis au pot, avant d’enclencher des expérimentations. 

Dans d’autres cas, on fait l’inventaire des pratiques (RH, prévention…) ou plans d’actions antérieurs pour tenter de mesurer leurs effets. Ailleurs, on va regarder les indicateurs qui paraissent pertinents (absentéisme, satisfaction, motivation, stress …) pour tenter de « saisir » un problème ou ses causes. On peut caractériser les différentes modalités (qui peuvent se combiner) de diagnostic comme suit :

Le diagnostic s’appuie sur une analyse des données et informations pour permettre : 

  • De se projeter dans la durée (tendances…). 
  • De dépassionner les débats en mobilisant des informations objectives
  • De faire évoluer les représentations des différents acteurs. 
  • De nourrir le dialogue social et de renforcer la qualité des échanges. 
  • D’engager des expérimentations sur des champs variés : ergonomie, organisation de la production, management, politique de recrutement, etc.

Quels indicateurs utiliser ?

Il est possible, comme le propose l’ANI QVT-EP, de s’appuyer sur différents types d’indicateurs existants ou à construire  : indicateurs de santé (taux de maladies professionnelles, inaptitudes, accidents…)  ; indicateurs de perception (satisfaction, sentiment d’équité, attentes…) ; indicateurs de fonctionnement (absentéisme, taux de non qualité…). 

Ces trois types d’indicateurs peuvent évidemment être combinés par les entreprises. La plupart des entreprises, pourtant sensibles aux outils de mesure et d’évaluation quantitatifs, n’ont qu’une connaissance partielle et limitée de leurs caractéristiques sociales et leur situation démographique en particulier. L’usage courant de la moyenne comme indicateur est par exemple insuffisant et peu informatif sur la distribution des âges des salariés et les enjeux posés par le vieillissement des salariés dans les différents services. 

Sans entrer dans des traitements de données complexes et très élaborés, la construction et l’interprétation de représentation graphiques simples, comme la pyramide ou l’histogramme des âges par services ou secteurs, permettent d’enrichir les diagnostics et de faire évoluer le regard des acteurs sur les enjeux liés à l’évolution des populations de l’entreprise (déséquilibres hommes/ femmes ou juniors/seniors ; répartition différenciée des âges dans les différentes unités opérationnelles ; attractivité de l’emploi ; etc.).

Comment expérimenter un projet ?

L’expérimentation est au cœur de la démarche Qualité de vie au travail au nom du principe suivant : Les projets de transformation d’aujourd’hui sont les conditions de travail de demain. Nous sommes donc dans une perspective de prévention primaire : ce sont ces projets techniques et organisationnels qui sont l’objet de l’expérimentation.

Comment évaluer l’organisation du travail ?

Le suivi, ou l’évaluation, d’une expérimentation est réalisé par un groupe technique ou groupe de travail dont les critères de composition sont définis paritairement. Juger de la valeur des dispositifs gestionnaires ou organisationnels demande une animation rigoureuse de l’exercice.

Il faut éviter les jugements à l’emporte pièce et trop généraux. De même, il ne s’agit pas de se limiter à la critique mais, sur la base des analyses des projets techniques et organisationnels en phase amont ou pilote, proposer de nouveaux fonctionnements. Les salariés impliqués sont donc ici fortement responsabilisés.

Comment pérenniser la démarche ?

 Sur la base de ces acquis, il est désormais possible de négocier un accord unique pour une certaine durée comme l’autorise la loi relative à l’emploi et au dialogue social d’août 2015. Ce qui peut permettre de simplifier le dialogue social et donner plus d’effectivité à la négociation collective.

Le déploiement de la démarche suppose une inscription plus forte dans les mécanismes de concertation et dans les modalités de conception et réalisation des projets organisationnels ainsi qu’une diffusion plus large des apprentissages réalisés.

On peut ainsi « transformer l’essai » en consolidant les actions et mécanismes mobilisés en amont de la démarche. Par exemple, en s’appuyant sur les apprentissages réalisés pour former les acteurs à la démarche QVT  ; en créant des espaces de discussion sur le travail ; en produisant des guides pour l’animation et la gestion de projets  ; en transformant le comité QVT en observatoire QVT en charge d’initier des expérimentations ; etc. 

Les étapes précédentes ont permis aux acteurs sociaux d’identifier les problèmes et leurs causes dans différents domaines (égalité, pénibilité, conditions d’emploi et de travail, efficience, conduite du changement, etc.) et de tester des modalités d’action et d’expérimentation.

SOL-16-Anact-JM06072022

Date d'insertion: 18/07/2022

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