PREVSÉCU est le site de centralisation nationale et exhaustive des solutions juridiques, techniques et pluridisciplinaires pour la santé et la sécurité au travail

Responsabilité civile et pénale de l'employeur

EN MATIÈRE de santé et sécurité au travail, la question de la mise en jeu de la responsabilité pénale soulève souvent questions et inquiétudes pour les employeurs. À la différence de la mise en œuvre de la responsabilité civile, dont l’objet consiste à réparer un préjudice, l’engagement de la responsabilité pénale tend à réprimer un comportement contraire à l’ordre public et ce, indépendamment de l’existence ou non d’une victime ayant subi un dommage. Dans les domaines de la santé et sécurité du travail, la responsabilité pénale de l’employeur peut être engagée, soit sur le fondement des dispositions du Code du travail, soit sur celles du Code pénal, pour infraction aux règles d’hygiène ou de sécurité, pour atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou pour mise en danger d’autrui, et ce, même lorsque l’infraction n'a entraîné aucun accident. Le Code pénal et le Code du travail permettent de poursuivre pénalement non seulement les personnes physiques (employeurs ou salariés détenant une délégation de pouvoirs), mais également les personnes morales, en particulier la société en sa qualité d’employeur, sous certaines conditions. À noter: ne sera traitée dans cette chronique que la question de la responsabilité de l’employeur en tant que personne physique. La question de la responsabilité pénale des employeurs en leur qualité de personnes morales fera l’objet d’une chronique ultérieure.

Responsabilité pénale de l’employeur au titre du Code du travail

La responsabilité pénale de l’employeur pourra être engagée sur la base des infractions prévues par le Code du travail. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire qu’une victime ait subi un préjudice, la seule inobservation d’une règle particulière édictée par le Code du travail pourra donner lieu à une sanction pénale, à condition toutefois que le texte concernant cette règle prévoit expressément une telle sanction, conformément au principe dit « de légalité des délits et des peines ».

Les principales infractions prévues par le Code du travail

Pour que la responsabilité pénale de l’employeur soit retenue, l’article L. 4741-1 exige l’existence d’une faute personnelle de l’employeur.

Cette faute peut être constituée par une action ou une omission. En matière de santé et de sécurité au travail, la faute est généralement constituée par une omission, c’est-à-dire qu’il est reproché à l’employeur de ne pas avoir agi.

Le délit prévu à l'article L. 4741-1 Cet article prévoit qu’est puni d'une amende de 10000 €, le fait pour l'employeur ou son préposé de méconnaître par sa faute personnelle un ensemble de dispositions du Code du travail. Sont notamment visés par cet article, la méconnaissance de l’ensemble des dispositions relatives :

  • aux droits d’alerte et de retrait,
  • à l’information et formation des travailleurs,
  • aux jeunes travailleurs,
  • aux obligations particulières de formation et d’information des travailleurs en CDD ou en intérim,
  • aux obligations de l’employeur pour l’utilisation des lieux de travail,
  • aux équipements de travail et moyen de protection,
  • à la prévention de certains risques d’exposition,
  • aux travaux réalisés par une entreprise extérieure,
  •  à la coordination de la prévention, au comité interentreprises de santé et sécurité au travail,
  •  aux dispositions particulières en matière d’incendie et de secours, et de danger grave et imminent dans les installations nucléaires de base,
  • aux demandes de vérifications de mesures et d’analyse faites par l’inspection du travail.

La récidive est punie d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 30000 €

Les autres délits

D’autres délits sont expressément prévus par le Code du travail, notamment dans le domaine des travaux et des opérations de construction: le fait pour l’employeur de ne pas se conformer à la décision de l’agent de contrôle de l’inspection du travail, d’arrêter temporairement des travaux ou une activité, en vue de soustraire immédiatement un travailleur d'une situation de danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé le Code est puni d’un an de prison et de 3750 € d’amende . Les contraventions en matière de santé et sécurité. Le Code du travail prévoit également que la méconnaissance de certaines dispositions soit punie d’une amende prévue pour les contraventions de 4e ou 5 e classe (1500 euros maximum ou 3000 euros maximum en cas de récidive).

Sont par exemple sanctionnés:

  •  le non-respect d’une mise en demeure par le directeur départemental du travail
  • le non-respect des règles relatives à l’évaluation des risques
  • le non-respect des règles relatives aux affichages obligatoires 

Responsabilité pénale de l’employeur au titre du Code pénal

Certaines dispositions du Code pénal trouvent à s’appliquer en matière de santé et sécurité au travail. On pourra distinguer deux cas dans lesquels la responsabilité pénale au titre du Code pénal pourra être recherchée :

  • d’une part, en cas de dommages subis par le salarié, des poursuites pourront être engagées pour atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne selon la gravité du préjudice subi par la victime (homicide ou blessures involontaires);
  • d’autre part, même en l’absence de dommages, la responsabilité pénale de l’employeur pourra être recherchée sur le fondement du délit de risques causés à autrui.

Concernant les infractions définies par le Code pénal, il n’y a pas de présomption de responsabilité à l’encontre de celui qui cause involontairement la mort ou des blessures à une personne. Pour les personnes physiques, et conformément aux dispositions de l'article 121-3 du Code pénal, la responsabilité sera appréciée en fonction du lien, direct ou indirect, avec le dommage de la victime.

Est en lien direct avec le dommage, la personne physique qui l’a elle-même causé; en pareil cas, pour engager sa responsabilité pénale, il convient :

  • d’apporter la preuve d’une faute, d’une maladresse ou d'une imprudence, d’une négligence ou d'une inobservation des règlements ayant un rapport de cause à effet avec l’accident;
  • d'établir que l’auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu de la nature de ses missions, de ses fonctions, de son pouvoir, de ses compétences et de ses moyens.

Est en lien indirect avec le dommage, la personne physique qui, sans causer elle-même le dommage, a créé la situation ayant permis la réalisation de ce dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter; il convient alors :

  •  de montrer, que la faute alléguée est « caractérisée » ou que le manquement relevé constitue une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement;
  • d’apporter la preuve d’une faute, d’une maladresse ou d'une imprudence, d’une négligence ou d'une inobservation des règlements ayant un rapport de cause à effet avec l’accident.

En pratique, en matière de santé et sécurité au travail l’employeur ne sera que très rarement l’auteur direct du dommage. Ainsi pour que sa responsabilité pénale soit retenue, il conviendra de démontrer l’existence d’une faute caractérisée ou d’une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Dans tous les cas, pour vérifier que l’infraction est réellement constituée, il appartiendra au juge d’apprécier les faits et la situation au cas par cas et « in concreto », c’est dire en analysant chaque cas d’espèce et en prenant en considération les diligences éventuellement accomplies par la personne poursuivie.

En matière de santé et de sécurité au travail, ces « diligences normales » seront appréciées notamment au regard de la mission qui incombe à l’employeur en matière de santé et de sécurité des salariés et des obligations mises à sa charge par le Code du travail. Ainsi, l'obligation générale de sécurité, prévue par l'article L. 4121-1, prévoit que l’employeur doit mettre en œuvre des mesures appropriées, pour prévenir les risques auxquels les salariés sont exposés. La mise en place d'une démarche de prévention dans l'entreprise constitue donc bien l'une de ces « diligences normales » exigées de l’employeur, au regard de sa fonction et de ses missions.

Focus sur la « violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement » ou faute délibérée

Plusieurs conditions doivent être remplies pour que la faute délibérée soit retenue.

Ces conditions tiennent à la fois à l’obligation de sécurité et la manière dont elle a été méconnue :

  • d’abord, l’obligation méconnue doit avoir été prévue par la loi ou le règlement;
  • ensuite, il doit s’agir d’une obligation particulière. La jurisprudence considère que l’obligation est particulière lorsque le texte énonce de manière précise, concrète et circonstanciée le comportement que la personne doit adopter dans une situation donnée. Sont donc exclues les obligations à caractère général, comme l’article L.4121-1 du Code du travail qui prévoit que: « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs »;
  • enfin, la violation de cette obligation doit être « manifestement délibérée ».

Le caractère délibéré du manquement reproché à l’employeur sera généralement établi par la connaissance que celui-ci devait avoir de son obligation. Celle-ci étant souvent mise en évidence par l’existence d’une mise en demeure ou d’une injonction d’un service d’inspection, ou par le signalement du non-respect de ladite obligation par les représentants du personnel, dans le cadre d’une alerte par exemple, ou bien encore lorsqu’un salarié a exercé son droit de retrait et que l’employeur n’a pas mis en place de mesures de prévention adaptées.

L’employeur personne physique responsable pénalement

En principe, en droit pénal, une personne n’est responsable que de son propre fait. Cependant, en matière de santé et de sécurité au travail, la responsabilité pénale de l’employeur ou de son délégataire pourra être retenue à raison des infractions commises par un tiers, sous son contrôle. En effet, il appartient à l’employeur de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées par le Code du travail de sorte que sa responsabilité pourra être retenue quand bien même il ne serait pas l’auteur du manquement réprimé.

Régime de la responsabilité pénale de l’employeur

En la matière, deux régimes différents cohabitent. Il conviendra de distinguer selon que l’employeur est poursuivi sur le terrain du Code du travail ou sur celui du Code pénal. Dans le premier cas, sur le fondement du Code du travail, la responsabilité est alternative, c’est-à-dire que la responsabilité d’une seule personne pourra être recherchée, celle de l’employeur, ou celle de son délégataire.

En revanche, sur le fondement du Code pénal, la responsabilité peut être cumulative. Ainsi, toutes les personnes qui ont commis une faute en lien avec le dommage pourront voir leur responsabilité pénale engagée. Pour illustration, un ouvrier, chargé d'exécuter des travaux de peinture sur un transformateur électrique, avait été mortellement atteint par une décharge électrique. Le chef d'entreprise avait été condamné pour violation de l'article R. 4534-111 du Code du travail, pour ne pas avoir obtenu la mise hors tension de l'installation, et le chef de chantier avait lui été reconnu coupable d'une imprudence pour ne pas avoir vérifié que le courant était coupé avant le début des travaux .

La délégation de pouvoir

En droit pénal du travail et sauf dispositions spécifiques, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en établissant l’existence d’une délégation de pouvoirs, par laquelle il a transféré à un salarié, ses pouvoirs et les moyens de les exercer. Selon la jurisprudence constante « sauf si la loi en dispose autrement, le chef d’entreprise qui n’a pas personnellement pris part à la réalisation de l’infraction peut s’exonérer de sa responsabilité pénale s’il rapporte la preuve qu’il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires ».

En pratique, ce mécanisme de la délégation de pouvoirs permet à un employeur qui n’a pas forcément les moyens de contrôler l'application des obligations qui doivent être respectées, de transférer une partie de ses pouvoirs à un subordonné, le délégataire. En conséquence, en cas de manquement à l'une de ces obligations, c'est le délégataire qui engage sa responsabilité pénale (si les conditions propres à rendre la délégation valable sont remplies).

Causes exonératoires applicables en matière de santé et sécurité au travail: la faute du salarié ou d’un tiers

La faute du salarié victime d’un accident de travail peut être une cause exonératoire de la responsabilité pénale de l’employeur. Cependant, pour pouvoir s’exonérer de sa responsabilité, l’employeur devra démontrer que la faute de la victime est la cause unique et exclusive du dommage. En pratique, il est donc assez rare que l’employeur puisse s’exonérer sur ce motif.

Pour exemple, dans un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 30 octobre 2012, les magistrats ont rappelé que l’employeur, tenu de veiller de façon constante à la sécurité du personnel qu’il emploie, ne saurait pour s’exonérer de sa responsabilité pénale invoquer l’éventuelle faute de la victime (en l’espèce, le fait pour cette dernière d’avoir choisi de travailler sur une échelle, alors qu’étaient disponibles sur le chantier ou dans les locaux de l’entreprise à quelques mètres tous les matériels susceptibles d’être utilisés) ou d'invoquer la simplicité des tâches confiées, l’ancienneté et l’expérience acquise par celle-ci ou encore la circonstance qu’elle était énervée ou étourdie au moment de l’accident. Enfin, dans les cas d’atteintes involontaires à la vie ou l’intégrité d’une personne, et sur la base des principes généraux du droit pénal, toute personne, y compris les tiers, pourront voir leur responsabilité engagée s’ils ont commis une faute en lien avec l’accident. Dans l’hypothèse où cette faute serait la cause unique et exclusive de l'accident, l'employeur pourrait se voir exonéré de sa responsabilité.

Quelles sont les obligations de l’employeur en matière de Santé et Sécurité au travail ?

L'employeur doit prendre des mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé mentale et physique de l'ensemble des travailleurs sur leurs postes de travail.

Actions de prévention des risques professionnels

L'employeur doit mettre en place des actions de prévention des risques professionnels portant sur les points suivants :

  • Risques de chutes de hauteur (par exemple, interdire l'utilisation d'une échelle comme poste de travail en hauteur et mettre en place une plate forme individuelle roulante légère)
  • Risques d'entrer en contact avec un élément en fonctionnement sur une machine (par exemple, interdire l'utilisation d'une perceuse à colonne si le protecteur du mandrin est défectueux)
  • Risques psychosociaux tels la surcharge de travail, agression et violence interne et/ou externe
  • Risques chimiques (par exemple, interdire l'utilisation de produit chimique dangereux aux salariés qui n'ont pas été formés et informés sur la toxicité du produit)
  • Dispositions relatives à l'exposition à certains facteurs de risques professionnels (pénibilité au travail) : par exemple, manutention manuelle de charges, vibrations mécaniques, bruit, certains rythmes de travail

Actions d'information et de formation

L'employeur doit mettre en place des actions d'information et de formation au profit des salariés suivants :

  • Nouveaux embauchés
  • Salariés qui changent de poste de travail
  • Travailleurs temporaires
  •  Salariés qui reprennent leur activité après avoir été vus par le médecin du travail

Organisation et moyens adaptés

Par exemple :

  • Modifier les horaires de travail dans le cadre des conditions atmosphériques (canicule) dans l'objectif de diminuer le risque d'accidents sur le poste de travail
  • Mettre en place des équipements de protection individuelle et obliger le port de casque, de gants, de chaussures de sécurité antidérapantes sur un chantier du bâtiment

Évaluation des risques dans l'entreprise

L'employeur doit éviter les risques.

Si ce n'est pas possible, il doit évaluer les risques et mettre en œuvre des mesures de prévention.

Définition de l'évaluation des risques :

  • Le danger est la capacité d'un matériel, d'une substance ou d'une méthode de travail pouvant causer un événement dommageable
  • Le risque est l'association d'un danger à un travailleur
  • Par exemple, un local électrique est dangereux mais si personne ne peut y accéder, il n'y a pas de risque d'électrocution.

Compte tenu de la nature de l'activité de l'entreprise, l'employeur doit évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités dans les actions suivantes :

  • Choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques
  • Aménagement ou réaménagement des lieux de travail ou des installations
  • Définition des postes de travail

Document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP)

Les résultats de cette évaluation sont insérés dans un document appelé document unique d'évaluation des risques (DUERP). Ce document est obligatoire dans toutes les entreprises.

Mise en place d'actions

Suite à cette évaluation, l'employeur doit mettre en œuvre des actions de prévention (par exemple, des formations à la sécurité).

Il doit y ajouter des méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et sécurité (par exemple, diminuer la répétition du travail).

Instructions générales et particulières

Le règlement intérieur lorsqu'il existe (entreprise dont l'effectif est ⩾ 50 salariés) doit fixer des consignes de sécurité.

Dans les autres cas, c'est l'employeur ou son représentant qui les donne.

Le salarié doit, conformément aux instructions générales et particulières, prendre soin, en fonction des formations reçues, de sa santé et de sa sécurité et de celle de ses collègues.

OBL-2-Sericepublic-Pôle information juridique, INRS-JM-260620

Date d'insertion: 19/07/2022

Retour en haut de page

Ce sujet vous intéresse ?

;