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Droit d'alerte et de retrait

En cas de danger, le salarié dispose d’un droit d’alerte et d’un droit de retrait. Ces droits permettent au salarié de prévenir l’employeur d’un danger et de se retirer de son poste de travail. Toutefois, le droit d'alerte et de retrait des salariés ne doit être utilisé que lorsque la situation présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé du salarié.

Le chef d'entreprise a la charge de la sécurité de son personnel. En cas de manquement à ses obligations, le chef d'entreprise encourt des sanctions pénales en cas d'infraction à la réglementation.

A l'intérieur des entreprises, les services de sécurité, les services médicaux du travail, les CSE participent à la protection de la santé des salariés sur les lieux de travail. Cependant, lorsqu'une situation dangereuse pour la vie ou la santé des salariés apparaît soudainement,ce sont des décisions rapides qui s'imposent.

La direction de l'entreprise prendra souvent les mesures nécessaires en vue de la suppression de la situation dangereuse. Si la direction de l'entreprise ne réagit pas suffisamment ou convenablement, qui peut rapidement se substituer à elle ?

La loi n° 82-1097 du 23 décembre 1982 a reconnu à tout salarié un droit d'alerte et de retrait face à un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Cette loi est insérée au sein du code du travail (Code du travail : articles L4131-1 à L4131-4).

Ces textes sont complétés par la Circulaire n° 93/15 du 25 mars 1993 relative à l'application de la loi n° 82.1097 du 23 décembre 1982 et le décret n° 93.449 du 23 mars 1993.

Par ailleurs, la protection de l'intégrité physique du salarié est de plus en plus prise en compte par la jurisprudence.

La Notion de danger grave et imminent

Condition d'exercice du droit de retrait

L'existence d'un danger grave et imminent est une condition d'exercice du droit d'alerte et de retrait. Cette notion doit être précisée autant que possible, car elle est une source évidente de contestation.

Elle doit être perçue d'une manière objective, le plus souvent : existe-t-il un danger grave et imminent ? Mais elle doit parfois être perçue de manière subjective : le salarié avait-il un motif raisonnable de se croire menacé par un danger grave et imminent ?

On peut définir le danger grave et imminent comme une menace pour la vie ou la santé de l'agent, c'est -à -dire une situation de fait en mesure de provoquer un dommage à l'intégrité physique du travailleur.

Constitue un motif raisonnable justifiant l'exercice de son droit de retrait par le salarié la défectuosité du système de freinage du camion de l'entreprise, alors qu'après l'interdiction de circulation émise par le service des mines, l'employeur était tenu de présenter le véhicule à une contre-visite afin que ce même service des mines puisse garantir l'intégralité des réparations effectuées.

En attendant ce nouveau contrôle, le salarié était en droit de penser que la conduite de ce camion présente un danger grave et imminent pour sa vie, les tiers, ainsi que le matériel de l'entreprise. Le licenciement fondé sur le refus de conduire le véhicule était dès lors sans cause réelle et sérieuse (CA Montpellier, ch. soc., 30 avr. 1998, n° 857, SA Pinault équipement c/ Zavierta).

Définition

Le danger est une menace pour la vie ou la santé du salarié, c'est-à-dire une situation de fait en mesure de provoquer un dommage à l'intégrité physique du travailleur. Ce danger doit être grave et non simplement léger. Est grave ce qui est susceptible de conséquences fâcheuses, de suites sérieuses, dangereuses.

L'imminence évoque la survenance d'un événement, dans un avenir très proche, dans très peu de temps. Selon H. Seillan, il y a danger grave et imminent lorsqu'on est en présence d'une menace susceptible de provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un travailleur, dans un délai très rapproché.

La notion de danger grave et imminent concerne plus particulièrement les risques d'accidents, puisque l'accident est dû à une action soudaine entraînant une lésion au corps humain. Les maladies sont le plus souvent consécutives à une série d'événements à évolution lente. Cependant, la vitesse de réalisation du dommage importe peu. Que le dommage se réalise progressivement ou instantanément,le risque proche d'une dégradation de la santé du travailleur constitue un danger grave et imminent.

Le danger peut provenir d'une machine, d'un processus de fabrication ou d'une ambiance de travail (Décl. min. Trav. : JOAN Q, 24 sept. 1982, p. 5086).

Travaillant dans un local insalubre, mal éclairé, soumis à des émanations de gaz, non chauffé, entre 13 et 15 °C, le salarié avait un motif raisonnable de penser que sa santé était menacée par un danger grave et imminent (CA Versailles, 12 nov. 1996, n°852, SA Asystel Maintenance c/ Michel).

Le droit d’alerte

Le salarié signale immédiatement à l'employeur ou à son représentant toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (C. trav., art. L4131-1).

Un représentant du personnel au comité social et économique (CSE) qui constate un danger grave et imminent en avise immédiatement l'employeur ou son représentant et consigne cet avis par écrit (C. trav., art. L4131-2 Modifié par Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 - art. 4).

La procédure d'alerte qui existait, avant 1982, au bénéfice des représentants du personnel au CHSCT, a été étendue à tout salarié.

Droit d'alerte ou obligation ?

La lecture de l'article L4131-1 du code du travail n'indique clairement ni que le salarié a le devoir d'informer la direction de l'établissement, ni qu'il en a l'obligation lorsqu'il constate un danger grave et imminent. Qu'il en ait le droit, cela semble une évidence. Mais le texte semble se contenter d'un constat. L'examen des débats parlementaires n'apporte aucune précision quant à l'existence d'une obligation. Le texte visant les représentants du personnel au CSE apparaît plus contraignant, puisqu'il précise les modalités de l'information de l'employeur.

L'avis d'alerte peut être donné verbalement, comme pour tout salarié. La consignation écrite est utile et imposée à titre de preuve. Pour les représentants du personnel au CSE, l'avis doit être consigné sur un registre spécial coté, ouvert au timbre du comité. Il est daté, signé et comporte l'indication du ou des postes de travail concernés, de la nature du danger et de sa cause, ainsi que le nom du ou des salariés exposés.

Inspection et réunion urgente du CSE

A la suite d'un avis de danger grave et imminent émis par un représentant du personnel au CSE, l'employeur ou son représentant doit procéder sur-le-champ à une enquête avec le membre du CSE qui lui a signalé le danger et prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser, le CSE est réuni d'urgence et, en tout état de cause, dans un délai n'excédant pas vingt-quatre heures. En outre, l'employeur doit informer immédiatement l'inspecteur du travail et l'agent du service de prévention de la CRAM qui peuvent assister à la réunion du CSE.

A défaut d'accord entre l'employeur et la majorité du CSE sur les mesures à prendre et leurs conditions d'exécution, l'inspecteur du travail est saisi immédiatement par l'employeur ou son représentant. Il met en œuvre, le cas échéant, soit la procédure de mise en demeure prévue à l'article L4721-1, en adressant un rapport au directeur départemental du travail, soit la procédure du référé prévue à l'article L4732-1.

Le droit de retrait

Lorsque la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé, le salarié peut quitter son poste de travail ou refuser de s'y installer sans l'accord de l'employeur. Il peut alors exercer son droit de retrait et interrompre ses activités, tant que l'employeur n'a pas mis en place les mesures de prévention adaptées.

L'employeur ou son représentant ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent (C. trav., art. L4131-1).

Conditions d'exercice du droit de retrait

Il doit être clair que le droit institué n'est qu'une faculté et qu'en aucun cas il ne saurait être reproché à un salarié victime d'un accident de travail de ne pas s'être retiré d'une situation de travail qui s'est révélée dangereuse. Aussi bien, la seule obligation incombant au salarié en la matière consiste, au cas où il estime devoir se retirer pour ce motif, à le signaler à l'employeur ou son représentant (Circ. DRT n° 93/15, 25 mars 1993).

L'exercice du droit de retrait nécessite, au préalable ou de manière concomitante, l'utilisation de la procédure d'alerte. Le règlement intérieur peut imposer une information écrite ; mais la loi n'ayant imposé aucune formalité, le retrait peut valablement intervenir à la suite d'une information donnée par tous moyens.

Le retrait est un droit du salarié, il ne constitue en aucun cas une obligation. Le non-exercice du droit de retrait ne saurait amener une réduction ou l'élimination de la responsabilité encourue par l'employeur au titre des accidents ou maladies professionnels.

Le droit de retrait doit être exercé de telle manière qu'il ne puisse créer pour autrui une nouvelle situation de risque grave et imminent.

Toute la théorie de l'abus d'un droit a pour but d'éviter et de sanctionner l'exercice d'un droit dans le seul but de nuire à autrui. Le droit reconnu au salarié pour assurer sa propre protection ne peut être totalement égoïste et ignorer ses collègues de travail. Cette limite conduira souvent à un exercice collectif du droit de retrait. Un salarié exposé à un risque grave et imminent exercera son droit de retrait, ce qui aura pour effet l'exercice de ce même droit par ses collègues, afin d'éviter toute conséquence en chaîne. Certains dangers graves et imminents concerneront une équipe de travail, amenant chaque membre de l'équipe à exercer son droit de retrait, au même moment.

La difficulté est de préciser les responsabilités encourues par un salarié dont l'exercice du droit de retrait crée pour autrui un risque grave et imminent.

En l'absence de conséquences fâcheuses, le salarié fautif pourra faire l'objet de sanctions disciplinaires. Toutefois, de telles sanctions pourraient apparaître manifestement disproportionnées à la faute commise, s'il s'avère que le salarié se trouvait face à un danger grave et imminent pour lui-même, que son imprudence n'a pas eu d'effets pour autrui.

Si l'exercice du droit de retrait cause un risque dont est victime une personne, le salarié qui s'est retiré de son poste de travail a manqué à ses obligations et commis une faute tant civile que pénale. Il est nécessaire que l'accident subi par autrui ait sa cause dans l'exercice du droit de retrait, ce qui sera possible, en particulier, pour un salarié occupant un poste de sécurité. Sur le plan pénal, la sanction du délit d'imprudence, blessures ou homicide, pourra être appliquée. Sur le plan civil, la faute commise par le salarié pourra entraîner sa responsabilité quant aux conséquences financières subies par l'entreprise : dégâts matériels, perte de production, surcroît de cotisations accidents de travail. Le salarié fautif est susceptible de sanctions disciplinaires, éventuellement d'un licenciement pour faute grave. Le degré de la faute commise dépendra en partie des conséquences dommageables, mais aussi de la faculté d'appréciation par le salarié de la situation créée pour autrui du fait de l'exercice de son droit de retrait.

Conséquences du retrait

Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l'encontre d'un salarié ou d'un groupe de salariés qui se sont retirés d'une situation de travail dont ils avaient un motif raisonnable de penser qu'elle présentait un danger grave et imminent pour la vie ou la santé de chacun d'eux (C. trav., art. L4131-1).

Le pouvoir disciplinaire du chef d'entreprise ne permet pas de sanctionner l'exercice régulier du droit de retrait. Une erreur du salarié quant à l'existence d'un danger grave et imminent ne constitue pas une faute sanctionnable, dès lors que celui-ci avait un motif raisonnable de croire à un danger grave et imminent.

L'exercice régulier du droit de retrait ne peut entraîner aucune retenue de salaire. Le salarié qui s'est retiré d'une situation dangereuse doit percevoir sa rémunération comme s'il avait poursuivi son travail, quelle que soit la durée du retrait. Le maintien de la rémunération se justifie par l'idée que le chef d'entreprise doit assurer la sécurité de son personnel.

Attention : Si la motivation du salarié est fondée, celui-ci peut donc cesser son activité - tout en étant rémunéré - le temps que l’employeur mette en place des mesures de protection. Mais attention, si les conditions de droit de retrait ne sont pas réunies, l’exercice de ce droit peut potentiellement entraîner une sanction pouvant aller jusqu’à un licenciement.

Le droit de retrait peut être exercé par un groupe de salariés, si chacun d'eux se croit menacé par le danger grave et imminent. L'exercice collectif du droit de retrait ne soulève pas, semble-t-il, de difficultés, s'il est régulier. L'exercice abusif du droit de retrait par un groupe de salariés doit être distingué d'un arrêt collectif de travail en vue de l'amélioration des conditions de travail, c'est-à-dire d'une grève. En l'absence de danger grave et imminent, la différence entre les deux situations consiste dans le caractère concerté de la grève. L'employeur doit être informé au préalable des revendications professionnelles ; éventuellement, un préavis de grève s'impose. Le droit de retrait n'est précédé que par la procédure d'alerte ; le droit de retrait et l'alerte seront souvent effectués d'un même mouvement.

La durée du retrait dépend de la nature du danger grave et imminent et des mesures préventives décidées par le chef d'établissement. Celui-ci, alerté par un salarié, fait procéder à une inspection des lieux de travail.

Il ordonne les mesures nécessaires à la suppression ou la limitation du danger. Lorsque l'employeur considère qu'il n'existe pas ou plus de danger grave et imminent, il peut ordonner au salarié de retourner à son poste de travail. En cas de refus du salarié, il doit s'efforcer de le convaincre qu'il n'a plus de motif raisonnable de craindre pour sa vie ou sa santé. A partir de quel moment l'employeur peut-il sanctionner un salarié récalcitrant dont le retrait injustifié est devenu abusif ? Il semble qu'une fois le retrait exercé à la suite d'une appréciation subjective, le législateur ait imposé le retour à une appréciation objective, c'est-à-dire celle des techniciens et de la direction de l'entreprise.

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Date d'insertion: 19/07/2022

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