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SURMENAGE, HORAIRES DÉCALÉS, PEUR DE L'ERREUR... POURQUOI LE TAUX DE SUICIDE EST PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉ CHEZ LES VÉTÉRINAIRES

Une étude française publiée courant mai souligne le risque de suicide "3 à 4 fois plus élevé" chez les vétérinaires, comparé à la population générale.

"3 à 4 fois plus de risque de suicide que la population générale". La difficulté du travail des vétérinaires en France, et l'incidence de l'exercice de leur profession sur leur santé physique et morale, ont été mises en avant par un rapport publié fin mai. Réclamé par le Conseil National de l'Ordre des Vétérinaires et l'Association Vétos-Entraide, il a été dirigé par Didier Truchot, professeur de psychologie sociale à l'université de Franche-Comté. Sa recherche avait pour but de mesurer les risques de suicide chez les vétérinaires et d'en identifier les causes.

"Il existe un taux de suicide particulièrement élevé chez les vétérinaires", souligne le rapport. Les vétérinaires ont "3 à 4 fois plus de risque de suicide que la population générale" et "2 fois plus de risque de suicide que les professions de santé humaine", précise Vétos Entraide dans une synthèse de la recherche.

Ce n'est pas la première fois que cette profession est étudiée sous ce prisme. Le CDC (centre pour le contrôle et la prévention des maladies) américain reprenait en 2015 une étude dont les données "suggèrent que près d'un vétérinaire américain sur 10 pourrait souffrir de détresse psychologique grave" et que "plus d'un sur six pourrait avoir eu des idées suicidaires depuis l'obtention de son diplôme." Une étude américaine de 2019 notait également que, proportionnellement au reste de la population, la "mortalité par suicide chez les vétérinaires femmes et hommes était plus élevée que pour la population générale".

"Un score d’épuisement professionnel bien supérieur à la population générale"

L'étude française a été réalisée à partir des réponses de 3244 vétérinaires à un questionnaire, "ce qui représente un échantillon équivalent à 17,5% de la population totale des vétérinaires français", explique le rapport.

D'après les réponses aux questionnaires, "on peut affirmer avec certitude que la profession de vétérinaire prise dans son ensemble, souffre de burn-out. Ces résultats doivent nous alerter sur le mal-être de la profession", souligne l'étude. Cette profession "souffre d’un score d’épuisement professionnel et de cynisme [comportements négatifs, détachés, insensibles vis-à-vis de ses collègues et d’aspects divers du travail, ndlr] bien supérieur à la population générale, et même aux exploitants agricoles pourtant connus pour cela."

4,7% des vétérinaires interrogés déclarent ainsi avoir déjà fait une tentative de suicide, et 4,8% déclarent avoir eu "assez souvent", "fréquemment" ou "tout le temps" envie de se suicider dans les semaines ayant précédé l’enquête. 18,4% disent avoir eu cette envie "occasionnellement". En comparaison, chez les actifs français, "4,5% des femmes et 3,1% des hommes ont eu des pensées suicidaires", sur les 12 derniers mois, écrivait Santé Publique France dans un bilan de 2019.

Dans cette profession, ce sont les femmes qui expriment l'épuisement émotionnel le plus élevé, ce qui peut s'expliquer en partie par le fait qu'elles "ont un investissement beaucoup plus important au niveau des tâches domestiques", chez elles souligne l'étude.

"Ensuite, au travail, les femmes font face à des pressions psycho-sociales diverses notamment les stéréotypes sexistes".

Les personnes vivant seules et celles exerçant en milieu urbain sont également plus touchées par l'épuisement professionnel selon les observations.

D'où vient ce mal-être?

Parmi les stresseurs identifiés par la recherche, menant à cet épuisement, on retrouve la charge de travail importante supportée par les vétérinaires: ils sont ainsi 84% à déplorer leur surcharge de travail. "Ce facteur correspond à la catégorie de stresseurs la plus fortement associée à l’épuisement émotionnel ainsi qu’aux troubles du sommeil", souligne le rapport, "il est le second facteur le plus associé aux idéations suicidaires".

Certains racontent faire des dizaines de rendez-vous en l'espace de deux heures, et avoir l'impression de faire un travail moins qualitatif car trop de tâches sont à exécuter dans une journée. D'autres expliquent travailler 60/65 heures par semaine et régulièrement finir à minuit ou plus tard, ce qui empiète fatalement sur leur vie privée.

"Parmi ces stresseurs, c’est la charge de travail, associée au conflit entre vie professionnelle et vie privée qui a le poids le plus important", explique l'étude.

Le rapport pointe aussi du doigt l'incidence des gardes de nuit, inhérentes à cette profession: "ceux qui ont déjà réalisé une tentative de suicide font significativement plus de gardes ou d’astreintes de week-end par mois et plus de gardes ou d’astreintes de nuit", ils ont aussi pris beaucoup de moins de vacances en moyenne dans les 12 derniers mois.

"Il semble bien, même si les statistiques donnent des liens relativement modestes, que la question des gardes soit un problème saillant pour la santé des vétérinaires."

Dans la même veine, le travail "morcelé" qui renvoie "à l’idée d’être régulièrement interrompu, d’avoir à faire face à des imprévus qui désorganisent le travail", est le troisième facteur "le plus associé à l’épuisement émotionnel, aux idéations suicidaires. Il est le quatrième le plus associé aux troubles du sommeil".

D'autre part, "la peur de l’erreur est le second facteur le plus associé à l’épuisement émotionnel et aux troubles du sommeil. Il est le premier le plus associé aux idéations suicidaires", écrivent les chercheurs. Il y a la peur de faire du mal à un animal, mais aussi de devoir gérer la situation avec le propriétaire par la suite.

"Le quatrième facteur le plus important concerne les conflits" au sein des cabinets ou structures accueillant plusieurs professionnels, "les tensions avec les collègues représentent le quatrième facteur le plus associé à l’épuisement émotionnel, aux idéations suicidaires". Plusieurs témoignent de conditions de travail difficiles avec beaucoup de pression et parfois du harcèlement moral.

Comment améliorer leurs conditions de travail?

Dans un premier temps, l'étude conseille d'alléger la charge de travail des vétérinaires, et note que "plus d’un tiers des vétérinaires (37%) sont workaholiques, autrement dit, entretiennent une relation de dépendance psychologique vis-à-vis de leur travail". Cette addiction est "fortement associée à la santé psychologique (burnout, idéations suicidaires, …) et physique (troubles du sommeil, etc.). Cette dépendance au travail est "une des clés importantes pour prévenir et éviter les risques psycho-sociaux chez les vétérinaires et parallèlement accroître leur qualité de vie au travail."

Concernant la question du travail "morcelé", "une meilleure organisation du travail peut être source d’amélioration", explique le rapport.

La peur de l'erreur est plus difficile à résoudre, car elle englobe plusieurs facteurs: il y a l'angoisse des répercussions en cas d'erreur, la responsabilité vis à vis du propriétaire de l'animal, mais aussi chez les femmes une crainte plus élevée à cause de "la réputation d’infériorité" que leur confèrent les stéréotypes sexistes.

Quant aux questions de conflits dans le milieu du travail, "pour nombre d’entre eux, plusieurs préconisations sont envisageables, à la fois du côté du management et sans doute aussi du dialogue social."

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Le rapport souligne également que, "si des conditions de travail dégradées sont souvent évoquées dans le suicide d’une personne active professionnellement, elles sont rarement le seul facteur en cause", et qu'encore "à l’heure actuelle, l’identification des processus et des facteurs liés au travail et prédictifs du suicide, ou du risque de suicide, en est toujours à son balbutiement". Ainsi, même si ces données mettent en avant un mal-être certain chez la profession de vétérinaires, les chercheurs à l'origine de ce rapport se sont lancés dans de nouveaux travaux pour affiner leurs conclusions.

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Date d'insertion: 30/07/2023

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