Initiatives S&ST
La médaille de la sécurité de l’INRS récompense le terrain au service de l’innovation
Magasinier pendant 18 ans, André Boudin, sensibilisé à la prévention des risques professionnels, notamment grâce à son implication au sein du Comité Technique Régional 3* (CTR), a proposé un dispositif simple et efficace de séparation de plaques de plâtre permettant de réduire leurs manutentions manuelles.
*Le CTR 3 regroupe les activités des industries des transports, de l’eau, du gaz, de l’électricité, du livre et de la communication, des services, commerces et industries de l’alimentation et des commerces non alimentaires.
Récompense Carsat, Médaille INRS… ? Il s’agit d’une récompense décernée par l’Institut National de Recherche et de Sécurité, sur proposition des préventeurs des Carsat, et avec l’avis des instances paritaires. La médaille est délivrée en reconnaissance des services rendus à la prévention des accidents du travail et maladies professionnelles. Cette récompense peut être attribuée à des chefs d’entreprises ou des salariés, … et plus généralement à toute personne dont l’activité a contribué au développement de la prévention, et ce, au-delà des aspects simplement réglementaires. La valeur des actions réalisées, leur caractère innovant, et leur durée sont des éléments d’appréciation. Ces médailles existent depuis 1957, et chaque année potentiellement 50 récompenses peuvent être attribuées. Pour résumer, cette récompense honorifique, traduit la reconnaissance par le réseau Risques Professionnels d’une implication « exceptionnelle » dans le champ de la prévention.
M. Boudin, qui êtes-vous ?
_ André Boudin : tout d’abord il faut savoir que j’ai un parcours atypique. J’ai été driver (jockey de trot) de 13 à 32 ans. Puis j’ai été restaurateur et buraliste pendant près de 15 ans. Ces métiers étant très chronophages, on finit tard, on n’a pas de week-end… j’ai fini par trouver un emploi de magasinier dans une grande enseigne de négoce de matériaux de construction, en 2005.
Comment vous êtes-vous intéressé aux instances paritaires et par ricochet à la prévention des risques professionnels ?
_ AB : un peu par hasard à vrai dire. Je n’ai jamais été quelqu’un de syndiqué. Au moment des élections des représentants du personnel (RP), Bénédicte Hébert (membre titulaire CFDT au CTR3 – NDLR) a téléphoné pour savoir s’il y avait quelqu’un d’intéressé pour devenir RP, le hasard a voulu que ce soit moi qui ai pris l’appel. Ayant l’envie de faire bouger les choses dans mon entreprise notamment, je me suis proposé et j’ai été élu.
A partir de là, j’ai commencé mon travail de représentant du personnel. Bénédicte a remarqué mon implication et m’a demandé de participer au CCSCT. Ensuite, j’ai été mandaté par mon organisation syndicale régionale pour participer aux sessions de CTR. Il est vrai que lors des CTR nous ne parlions pas toujours de mon métier mais mon parcours professionnel atypique m’a permis de m’intéresser aux différents sujets abordés durant les réunions de CTR*. C’est ainsi que je me suis intéressé de plus près à la prévention des risques professionnels dans mon entreprise, mais pas seulement...
*Chaque CTR regroupe plus de types d'activités.
Quelle était la problématique repérée ?
_ AB : à la suite d’une étude menée auprès des chauffeurs et des magasiniers dans laquelle on leur demandait quel était leur état physique, on s’est aperçu que l’âge avait son importance. En effet, lorsque nous interrogions une personne de 30 ans, tout allait bien. Entre 40 et 45 ans, des douleurs commençaient à apparaître, aux épaules, au dos... À partir de 55 ans, 9 personnes sur 10 avaient des douleurs constantes au dos, en cause, notamment le port de charges lourdes et la répétition des tâches.
Un jour, par curiosité, nous avions décidé avec un ami de peser ce que nous portions dans une journée classique. Il s’est avéré qu’un magasinier porte en moyenne entre 5 et 6 tonnes par jour.
Mon intérêt s’est porté plus particulièrement sur les plaques de plâtre. Même s’il est préconisé de les manutentionner à 2, force est de constater qu’au moment de la préparation des commandes, on se retrouve bien souvent seul. Il faut savoir qu’une plaque de plâtre pèse jusqu’à 35 kg mais surtout qu’elle mesure jusqu’à 3m de long pour 1m20 de large.
Comment vous est venue l’idée de cet outil ?
_ AB : je me suis dit qu’il fallait que je trouve un système qui me permette une manipulation sans les abîmer. J’ai donc pris un chevron, j’y ai fixé une cornière dessus. J’ai positionné ce prototype entre deux plaques pour que je puisse pousser avec mon chariot puis en faisant le tour, pouvoir les soulever avec un moindre effort toujours en gardant à l’esprit de conserver le produit intact pour le client. Honnêtement, au départ, je l’ai vraiment fait pour moi, pour me faciliter la vie.
L’entreprise l’utilise-t-elle encore aujourd’hui ?
_ AB : mieux que ça même ! Un jour, alors que je préparais une commande, un responsable du patrimoine passe dans l’agence dans laquelle je travaillais. Il me voit utiliser mon système D. Il me dit : « mais c’est pas bête du tout ton idée. Si tu veux, au patrimoine, nous avons des ateliers. On peut travailler dessus pour l’améliorer. » Il m’a proposé un premier prototype métallique qui était trop petit. On en a fait un autre, un peu plus large, qui convenait parfaitement.
Ils en ont fait la promotion auprès du groupe. L’idée est remontée jusqu’au siège national et a fini au catalogue des investissements. Ainsi, les agences du groupe peuvent aujourd’hui commander l’outil pour leurs salariés.
M. Boudin, un dernier mot pour la fin de l’interview ?
_ AB : pour terminer, je dirai que les bonnes idées peuvent arriver de toute part, du terrain comme de la tête. Le développement d’une idée, c’est aussi une question d’homme, de bonne rencontre et de confiance. Si le responsable du patrimoine ne s’était pas intéressé à l’idée du magasinier que j’étais, j’aurais continué à utiliser mon système dans mon coin mais il n’aurait jamais été question de le proposer à l’ensemble des agences du groupe.
M. Boudin a tenu à remercier tout particulièrement Bénédicte Hébert qui l’a poussée à présenter son dispositif et Hélène Caponi, ingénieur conseil à la Carsat Sud-Est et pilote du CTR 3 à l’époque, qui a monté le dossier auprès de l’INRS. Cela lui a permis d’obtenir une médaille INRS ainsi qu’une récompense Carsat Sud-Est pour l’invention du séparateur de plaques de plâtre.
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Date d'insertion: 30/07/2023
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